Écriture : méditation active

Inutile d’avoir la plume de Proust ou de Camus pour profiter des vertus de l’écriture : il suffit simplement d’écrire. Organisation, observation et analyse, listes et autres notes... Les manières d’utiliser un carnet sont multiples. Mais la fonction première de l’écriture n’en demeure pas moins celle de transmettre des sentiments, et de les rendre d’une certaine manière immortels, et plus intelligibles.
Écrire. L’humain est le fruit des récits de ses ancêtres, et l’écriture représente un médium d’exception pour comprendre son histoire, et se découvrir soi-même.
Cependant, elle nécessite également un certain lâcher-prise, un ancrage dans l’instant présent qui ne s’obtient qu’en s’engageant véritablement dans l’acte d’écrire. Moyen d’expression et d’introspection idéal, ce geste si simple qu’est celui de poser un stylo sur un morceau de papier, ouvre la porte à un vaste monde : vecteur d’imagination, et plein de finesse.
Les bienfaits de l’écriture
Depuis les années 80, la recherche scientifique s’intéresse de près aux bienfaits de l’écriture et à ses effets sur la santé mentale. De nombreuses études ont démontré* que cet art manuscrit possédait des vertus cathartiques. Il permettrait en effet de digérer les épreuves affrontées chaque jour.
James W. Pennebaker, chercheur en psychologie sociale à l’université d’Austin, au Texas, a publié à la fin des années 90 plusieurs études mettant en lumière les incidences de l’écriture sur des individus ayant vécu des expériences traumatiques. Au fil du temps, les participants ont fait part d’une nette amélioration de leur bien-être global. À mesure qu’ils écrivaient, leur anxiété s’estompait peu à peu, leurs capacités cognitives (la mémoire, notamment) s’amélioraient, et, plus curieux encore, leur force physique se renforçait.
L’écriture s’est également révélée bénéfique pour réduire les symptômes de maladies psychosomatiques, plus encore que des traitements médicamenteux. Effet placebo ? Peut-être. Il n’empêche que, selon l’étude de Pennebaker publiée en 1999 dans le Journal of American Medical Association, l’écriture soulagerait certains troubles du comportement, en contribuant à baisser la tension artérielle, et à déjouer les tourments induits par le stress.
Cependant, il est difficile d’expliquer scientifiquement les conséquences de l’écriture sur la santé des individus. Une hypothèse se penche sur la stimulation simultanée des deux hémisphères du cerveau. En effet, l’utilisation du langage relève normalement de l’hémisphère gauche, communément associé à la rationalité. Parler, utiliser des mots, est un automatisme acquis pour la plupart d’entre nous dès le plus jeune âge. Malgré tout, l’écriture manuscrite stimule également l’hémisphère droit du cerveau, quant à lui associé à l’intuition, à l’irrationnel.
C’est un fait : l’écriture agit comme une thérapie. C’est un chemin méditatif qui nous mène à la découverte de soi.
Allier méditation et écriture
La méditation est une pratique qui exige de se concentrer sur un élément, à l’instar de la respiration, de l’énonciation d’un mantra, d’une sensation particulière, ou bien encore d’un son. C’est une pratique qui éveille les sens, jusqu’à en oublier la réalité, pour y retourner ensuite en y étant encore plus enraciné, plus perceptif, et en adoptant une attitude plus détendue face à la vie. Plus lucide, plus concentrée peut-être.
L’écriture se rapproche de la méditation dans le sens où, comme pour le rêve, elle créé le vide dans un esprit conscient, et ouvre une fenêtre sur son subconscient. Cette forme d’écriture, que l’on pourrait qualifier de thérapeutique, offre la possibilité d’extérioriser ses pensées et ses émotions, en donnant libre cours au flux de sa pensée. Elle facilite également l’acceptation de certaines informations difficiles à assimiler, et d’expériences parfois traumatiques.
Méditation et écriture : mode d’emploi
Pour cela, il est important d’écrire d’une manière impliquée, ou tout du moins impliquante, pour créer un contenu sémantique émotionnellement chargé, porteur de signifiant.
Jacques Derrida disait que « ce qu’on ne peut pas dire, il ne faut surtout pas le taire, mais l’écrire ». L’écriture méditative est libératrice et cathartique. Elle libère ; elle apaise. Elle propose aussi un cadre à la pensée en la structurant, par le biais de la page, de la ligne, de la ponctuation. Elle met de l’ordre dans le chaos de notre esprit, et elle autorise à appréhender le monde avec subtilité et lucidité.
Le processus d’écriture ne doit pas être un poids, ni synonyme de crainte ou d’anxiété. Il incombe d’être honnête et authentique envers soi-même dans ses écrits, hors cas d’écriture de fiction : ne pas forcément se soucier de la forme, mais plutôt du fond.
Elle peut rester intime ou être partagée avec autrui.
Des formes diverses et variées
Il n’y a pas de règles en la matière. Écrire et méditer activement se fait instinctivement, selon ses besoins. Pour vous guider, voici quelques idées de méditations actives qui passent par l’écriture :
- L’observation. Observer les pensées qui se déroulent dans sa tête, en essayant de ne pas s’arrêter sur une pensée unique. Si un blocage subsiste, écrire sur ce que l’esprit ne parvient pas à intégrer.
- L’écriture automatique. Se laisser guider par l’instinct, et écrire sans réfléchir. Une pratique dont les Surréalistes étaient adeptes.
- Le carnet de gratitude. Méditer sur les sources de joie qui jaillissent chaque jour dans nos vies.
- Le carnet de méditation. Se focaliser sur une sensation, un élément dans notre champ de vision, voire écrire une méditation dans son carnet pour se guider.
- Le carnet d’introspection. Sans doute la forme la plus classique. À la manière d’un journal intime, y coucher sur papier ses émotions, ses doutes et ses craintes, afin de se délaisser des tensions qui paralysent et empêchent d’agir et d’avancer.
- Dessiner. Le dessin peut également être un moyen d’exprimer ses émotions, à travers le travail de la ligne. Illustrer ses écrits par des croquis peut en outre aider à visualiser ses émotions.
Quelle que soit la forme, seul le résultat importe. Allier écriture et méditation, c’est écrire et décrire ses émotions, pour mieux les maîtriser. Et surtout, c’est prendre du temps pour soi, dédié à son bien-être, et nourrir sa créativité.
Source:
* Études sur les bienfaits de l’écriture :
. Cohen, D. J. White, S., & Cohen, S. B. (2011). A time use diary study of adult everyday writing behavior. Written Communication, 28 (1), 3-33.
. Pennebaker, J. W. (1992). Putting stress into words: Health, linguistic, and therapeutic implications. American Psychological Association, Washington. https://www.sciencedirect.com/ science/article/abs/pii/0005796793901054
. Pennebaker, J.W. (2004). Writing to heal: A guided journal for recovering from trauma and upheaval. Oakland, CA: New Harbinger.
. Smyth, J. M. (1998). Written emotional expression: Effect sizes, outcome types, and moderating variables. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 66(1), 174–184. https://psycnet.apa.org/ doiLanding?doi=10.1037%2F0022-006X.66.1.174